Douala, un scandale écologique sur les berges du Wouri

24 juillet 2015

Douala, un scandale écologique sur les berges du Wouri

Un père sauve sa fille de la noyade. Crédit Photo. Paul Mahel
Un père sauve sa fille de la noyade. Crédit Photo. Paul Mahel

Il a fallu les inondations spectaculaires du 20 juin dernier dans le département du Wouri pour que la situation écologique de la ville soit enfin prise en compte.  Douala sera débarrassée de toutes les habitations construites sur les drains et qui empêchent l’eau de circuler normalement.  Dans quelques années donc, Douala affichera sans doute un autre visage. En attendant, le poumon économique de l’Afrique central est un scandale écologique.

Douala la rebelle, Douala la frondeuse, Douala la mondaine. Tant de mythes entourent cette ville portuaire, chef-lieu de la région du littoral. Cette métropole, la plus peuplée du Cameroun avec une population estimée à 2 446 945 habitants en 2011 est aussi une ville chargée d’histoire. Impossible de parler du Cameroun sans citer ce bout de pays. Dès l’école primaire, les livres d’histoire apprennent aux petits Camerounais que les premiers navigateurs occidentaux (Hollandais, Portugais, Espagnols) entrèrent au Cameroun par la côte. Les Douala (ce vocable désigne les autochtones. On parle des cantons ou villages Bonapriso, Deido, Akwa, Bonabéri, etc.), sont donc les premiers habitants à être en contact avec les hommes aux pieds de poule (La saison de l’Ombre, Leonora Miano). Les rois Douala comme Douala Manga Bell furent les principaux interlocuteurs des colons. Douala fut d’ailleurs choisie par les Allemands comme la première capitale du pays. Certains textes indiquent que le plan actuel de la ville est en partie hérité de la colonisation.

A côté de ce glorieux passé, Douala fut sur le plan politique, le théâtre d’événements majeurs dans les années 1990.  « Les villes mortes » ou la crise politique qui l’ont secouée, y prend ses racines alors que le vent de la démocratise soufflait sur l’Afrique après la chute du  » mur de Berlin « .

Aujourd’hui, par son dynamisme, sa position géographique stratégique, la ville de Douala s’est imposée comme « le poumon économique de l’Afrique centrale ». Elle est la porte d’entrée de nombreux étrangers africains qui veulent s’établir au Cameroun.  C’est dans cette ville que le tissu industriel camerounais est le plus solidement implanté. La plupart des investisseurs camerounais et étrangers choisissent le littoral camerounais. De ce fait, elle attire de nombreux jeunes campagnards en quête de travail. Mais depuis plusieurs années, on assiste aussi à un exode « urbain » des jeunes qui partent de Yaoundé travailler à Douala. Conséquence, la population de la métropole croit chaque année. Il s’en suit une pression démographique qui met l’écosystème terrestre en danger. Les  populations en quête de logement se sont installées un peu partout au mépris des règles de l’urbanisation et du respect de l’environnement. Des habitations ont été construites sur des drains, dans les marécages.  Si bien que le retour des pluies est toujours vécu avec angoisse par les populations installées dans ces bidonvilles. A plusieurs reprises, des inondations ont été signalées dans les quartiers populaires de Douala sans pour autant que les autorités réagissent .

Il a fallu les inondations du 20 juin dernier pour que les autorités décident enfin de prendre ce problème écologique à bras le corps. Jamais la ville n’avait été confrontée à un désastre de cette ampleur. Les eaux sont montées à un niveau insoupçonné engloutissant tout sur leur passage (maisons, voitures, personnes).  Pour se déplacer à Maképé, Missoké, il fallait ramer dans un bateau ou une pirogue. Les images ont fait le tour du Cameroun laissant abasourdis ceux qui pensaient que « cela n’arrive qu’aux autres ».

Deux jours après le retour à la normale, les populations ont été sommées de quitter, en 48 h, les maisons qu’elles habitaient pour certains, depuis trente ans !  Mais l’occupation anarchique des drains, les inondations ne sont pas les seuls problèmes écologiques à menacer Douala. Depuis plusieurs années, on assiste à une destruction inquiétante de la mangrove (lien). Les produits de la mangrove sont surexploités par les populations pour des activités comme le fumage du poisson, la vente du bois de chauffe, etc.

Jusqu’à présent, rares sont les actions mises en place pour protéger cette richesse. Faudra-t-il qu’un nouveau scandale écologique éclate pour prendre des mesures salutaires ?

 

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